Par Laurent Rigoulet.
En ces premiers jours du printemps 1968, Martin Luther King écrit son dernier sermon. On n’en connaît que le titre alarmant : « Pourquoi l’Amérique est promise à l’enfer ». Il n’a pas le temps de le prononcer. Le 4 avril, il est abattu devant la porte de sa chambre, sur la coursive d’un motel de Memphis. Le leader du mouvement des droits civiques, Prix Nobel de la paix en 1964, vient d’avoir 39 ans. Dans les derniers mois de sa vie, il s’est dit déprimé, insomniaque et souffrant, évoquant de plus en plus souvent l’hypothèse d’une fin brutale. « Je ne verrai jamais mon 40e anniversaire », lâchait-il, en 1963, après la mort de John Fitzgerald Kennedy. Son éloge funèbre du président assassiné portait alors toute l’angoisse des temps à venir : « Nous pleurons un homme qui était l’orgueil de la nation, mais nous pleurons aussi sur nous-mêmes car nous savons à présent que nous sommes malades. »