Par Christian Mellon,
Faire le portrait d’un ami de longue date, sacré défi ! Mais comme c’est pour la revue Alternatives non violentes, j’ai accepté volontiers, ma relation avec Jacques s’étant établie puis renforcée par notre étroite collaboration dans les premières années de cette revue. Pour faire son portrait, on dispose d’un document précieux : le livre autobiographique qu’il a publié en 2007, J’arrive où je suis étranger (Seuil). Son objectif, dans ce très beau livre, c’est de raconter sa longue descente vers la cécité, depuis le jour où, âgé de 16 ans, on lui apprend sans ménagement, à l’occasion d’une visite médicale, qu’il va peu à peu perdre la vue, jusqu’à l’époque où, trentenaire, il constate qu’il a perdu la quasi-totalité de sa vision. Le récit de ce lent voyage vers le pays de la nuit est l’objet principal du livre, mais on y apprend beaucoup sur les événements, les choix, les engagements de sa vie : d’abord militant non-violent, il devient docteur en Histoire, enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à Sciences Po Paris, chercheur au Céri (Centre d’études et de recherches internationales), auteur d’une impressionnante série d’ouvrages traduits dans 10 langues différentes. Jacques est aujourd’hui un expert internationalement reconnu sur les questions qui l’ont passionné : les résistances civiles, les massacres de masse, le sauvetage des Juifs en Europe. Il a su élargir son engagement non-violent initial pour se laisser sans cesse déplacer vers les questions nouvelles qui surgissaient de ses recherches mêmes.