Par Jean-Pierre Gabrielli.
Loin de se limiter à un renoncement à l’action, la non-violence permet de fonder une nouvelle éthique de la résistance.
La non-violence, longtemps prônée face à l’oppression comme le mode de résistance le plus radical (à l’image de Gandhi, Martin Luther King, Angela Davis ou encore Frantz Fanon) est devenue, pour ses opposants soucieux de radicalité, synonyme de passivité. Ce serait un renoncement à l’action, comme un pis-aller face à la violence de celui qui frappe, qui viole, qui domine et qui rejette. Les termes eux-mêmes restent litigieux et l’on aura peine à dégager une définition unique : un mot blessant est-il violent ? Faut-il en venir au coup pour exprimer sa haine ? Si le corps – on sait l’importance que Judith Butler apporte dans ses œuvres à la question de la violence envers les femmes – est objet de violence, elle évoque aussi la violence d’État, des structures sociales et des représentations racistes. Dans un retournement pervers, l’État peut nommer violent le pouvoir contestataire d’un groupe de personnes, ou d’une manifestation pacifique. L’exercice du droit de réunion dans certains pays pourra être qualifié, par un procédé d’auto-justification, de « terrorisme », ce qui autorisera censure, coups, détention, tortures, emprisonnement ou exil…