Cet entretien est tiré du livre Palestine Un féminisme de libération. L’autrice, Nada Elia a été interviewée le 30 mars dernier par Liza Hammar et Francis Dupuis-Déri. Nada Elia est professeure d’études culturelles et arabo-américaines au Collège Fairheaven de l’université Western de Washington et milite pour la libération de la Palestine. Dans cet entretien Nada Elia explique comment le sioniste israélien considère les Palestiniens comme une menace démographique et exerce un contrôle de la population qui repose spécifiquement sur la violence contre les femmes.
Qu’est-ce que le Palestinian Feminist Collective?
Le Palestinian Feminist Collective est un réseau des États-Unis et du Canada, qui a émergé du Palestinian Youth Movement, en 2021, en réponse directe à ce qu’on appelle en Palestine “les crimes d’honneur” soit des féminicides par exemple une fille tuée par son père parce qu’elle fréquentait un homme sans être mariée. Nous observions la montée en Palestine d’un patriarcat de plus en plus puissant, d’une régression plutôt que d’une progression, conséquence en grande partie de la guerre qui a érodé les forces progressistes. Nous avons été inspirées par l’organisation Tal’ at, qui signifie ”sortir de”, qui est composée de femmes palestiniennes militant contre le sexisme, et dont le slogan est No Free Home landWithout Free Women (Pas de patrie libre sans femmes libres). Tal’at avance que le problème des femmes en Palestine n’est pas seulement le patriarcat arabe, mais aussi l’occupation israélienne et le sionisme. Notre collectif a adopté la même approche, et j’ajoute qu’il faut aussi penser à la libération des personnes queers. Les groupes les plus marginalisés d’un peuple doivent être libres pour que celui-ci le soit aussi. Notre objectif est donc à la fois la libération nationale et la transformation sociale et politique. Sinon, à quoi sert tout cela? Nous avons vu tant de pays où les femmes sont encore désavantagées, voire plus désavantagées après la libération nationale. J’ai moi-même beaucoup étudié la situation en Afrique du Sud postapartheid, puisqu’on y fait souvent référence comme un exemple pour la Palestine, mais c’est malheureusement autant une inspiration qu’un exemple à ne pas imiter.